J’ai toujours cru que les jeux vidéo servaient à m’évader. Mais là, ce jeu m’a obligé à me regarder en face. Pas à travers une cinématique bien foutue ou un choix moral bidon. Non. Ce que j’ai vu, c’est moi, mes failles, mes regrets, mes chemins non empruntés. Et c’était terrifiant. Mais aussi incroyablement humain. Voilà ce que m’a fait The Alters.

Gameplay – Gérer, survivre, réfléchir… recommencer

The Alters démarre comme une classique descente aux enfers : tu es Jan, un ouvrier spatial crashé sur une planète inconnue. Tes collègues sont tous morts. Ton vaisseau est en rade. Et dans quelques heures, une vague de radiation va tout balayer. À toi de remettre cette gigantesque base roulante en marche pour fuir la mort. Classique, non ? Et pourtant…

Très vite, le jeu bascule dans quelque chose d’autre. Tu ne peux pas tout faire tout seul. Tu as besoin d’aide. Mais pas n’importe laquelle. Il te faut des spécialistes. Et comme ils sont tous morts, tu n’as qu’un choix : te cloner toi-même, à partir de versions alternatives de ta propre vie. Et là, The Alters devient autre chose. Un jeu de gestion, oui, mais aussi un simulateur de confrontation existentielle.

Le gameplay est riche, précis, très tactile. Tu construis ta base pièce par pièce. Tu pars en expéditions à la surface pour récolter des ressources (minerais, organiques, métaux…). Ensuite tu planifies les tâches heure par heure. Tu développes des technologies pour survivre un jour de plus. Le temps est compté, les choix sont cruciaux.

Ce qui est génial, c’est que The Alters te met toujours sous pression, mais sans jamais te noyer. Tu as accès à un terminal central ultra pratique pour gérer les tâches, les recherches, les constructions, les affectations des Alters. C’est rapide, fluide, et ça t’évite le micro-management chiant qu’on retrouve dans d’autres jeux du genre.

Tu peux automatiser certaines productions (merci le bouton “Uphold Production”), réorganiser ta base sans frais (gros kiff pour les maniaques de l’optimisation), et choisir ta difficulté à tout moment. Le jeu veut te faire réfléchir, pas t’épuiser.

En revanche, quelques limites subsistent : l’IA peut parfois être capricieuse, notamment quand un alter ignore une tâche prioritaire. Et si tu n’es pas fan de jeux de gestion, la boucle “collecte/production/survie” peut sembler répétitive. Mais personnellement, j’étais happé.

The Alters, au fil des heures, devient un vrai défi de survie, mais surtout un terrain d’exploration psychologique.

Les Alters – Des clones, mais pas des copies

C’est sûrement la meilleure idée du jeu, et celle qui lui donne toute sa profondeur. Les Alters, ce ne sont pas juste des outils, des ouvriers en combinaison. Ce sont des autres “toi”. Des versions de Jan qui ont fait d’autres choix dans leur vie. Et crois-moi, ils ne te laissent pas tranquille.

Quand tu crées un nouvel alter, tu passes par une interface superbe : une carte mentale de la vie de Jan, avec des embranchements représentant des moments clés. Tu veux un botaniste ? Prends la version qui a suivi sa femme à la campagne. Un technicien ? Choisis celui qui est resté à l’usine au lieu de faire des études.

Mais ces alters ont une conscience propre. Des souvenirs. Des émotions. Et souvent, une rancune. Le premier alter que j’ai créé m’a littéralement balancé : “Je suis juste un outil pour que TU survives ?” Et bam, dans la tronche. Il m’en voulait. Et il avait raison.

Tu dois gérer leurs besoins, leur moral, leurs conflits. Ils ont besoin de dormir, de manger correctement (pas juste de la bouillie), de se détendre. Tu peux organiser des moments de socialisation : films, repas, mini-jeux comme du beer pong. Tu peux même consulter leurs pensées, leurs angoisses, leurs désirs.

Mais ce n’est pas juste pour les rendre “efficaces”. C’est pour toi aussi. Chaque alter est une projection de ce que tu aurais pu devenir. Un miroir. Un juge. Un confident. Parfois un rival. Parfois un ami. C’est bluffant.

Et c’est là que The Alters explose le cadre du simple jeu de survie. Tu te surprends à te demander : “Et si j’avais fait ce choix, est-ce que j’aurais été plus heureux ?” Le gameplay devient une introspection permanente.

Graphismes – De la SF brute et sensible

Visuellement, The Alters ne cherche pas à impressionner par la surenchère. Pas d’open world à perte de vue, ni de ray tracing tape-à-l’œil. Mais ce qu’il fait, il le fait bien.

La planète sur laquelle tu évolues est hostile, minérale, presque stérile. Mais chaque élément du décor raconte une histoire : les formations rocheuses tordues, les anomalies lumineuses, les traces d’activité passées. Tu ressens l’isolement de Jan à chaque pas.

La base, quant à elle, est superbement conçue. Ce vaisseau circulaire devient ton cocon, ton atelier, ton refuge. Chaque pièce que tu ajoutes modifie son apparence et sa logique interne. Le level design est pensé pour que tu puisses optimiser ta progression, tout en gardant une vraie lisibilité visuelle.

Et puis il y a les Alters. Le travail de character design est incroyable. Chaque version de Jan a ses expressions, sa posture, son style, sa voix. Ils sont tous différents, mais tu vois qu’ils viennent de la même “source”. C’est du grand art.

Bande-son – Une ambiance sonore au service de l’émotion

Tu ne remarques pas tout de suite la bande-son de The Alters. Et c’est ça qui est fort. Elle s’insinue doucement, et elle te suit. Elle te soutient dans les moments calmes, te stresse quand une tempête approche, t’étreint quand un alter te raconte sa vie brisée.

Les compositions sont sobres, mais puissantes. Beaucoup de nappes synthétiques, de résonances profondes, de silences pesants. Chaque thème colle à une ambiance, à un état d’esprit.

Les bruitages aussi sont impeccables. Tu sens la lourdeur de l’environnement, le craquement des matériaux, la vibration des moteurs. Même le bruit des pas dans le sable lunaire est crédible.

Et que dire du doublage ? Alex Jordan, qui prête sa voix à Jan (et donc à tous les Alters), livre une performance remarquable. Chaque alter a sa voix, ses intonations, ses émotions. Tu n’as jamais l’impression d’écouter une “copie”. Tu entends un homme, dans toute sa complexité.

Scénario – Et toi, qu’aurais-tu fait à ma place ?

Au cœur de The Alters, il y a une histoire. Pas une trame linéaire ou un scénario hollywoodien, mais un récit intime, parsemé de choix moraux lourds, de doutes et de questions sans réponses faciles.

L’idée de départ cloner des versions de toi-même est géniale. Mais ce sont les conséquences qui font toute la différence. Chaque alter vient avec ses blessures. Tu ne les as pas vécues, mais tu en es responsable. Et parfois, tu dois réparer les pots cassés. Ou les casser un peu plus.

Le jeu te met face à des dilemmes impossibles : laisser un alter contacter ton ex ? L’autoriser à redevenir le “vrai” Jan ? En sacrifier un pour en sauver deux autres ? Rien n’est binaire. Rien n’est simple. Et c’est ce qui rend chaque choix si viscéral.

À mesure que tu progresses, tu comprends que tu n’écris pas seulement une histoire de science-fiction. Tu écris une autobiographie fracturée, dans laquelle chaque alter est un chapitre que tu n’as jamais osé vivre.

Conclusion – Un chef-d’œuvre d’intelligence et d’émotion

The Alters n’est pas juste un jeu. C’est une expérience. Une claque narrative enveloppée dans un gameplay exigeant, mais gratifiant. Une réflexion sur le destin, le libre arbitre, le regret, et surtout, l’identité. Tu viens pour le base-building. Tu restes pour l’introspection et tu crois gérer des clones. Au final, tu finis par gérer tes fantômes.

Si tu aimes les jeux qui ne te prennent pas par la main mais qui t’offrent une vraie profondeur, si tu veux autre chose qu’un énième jeu de survie stérile, si tu veux être remué… joue à The Alters.
Un bijou rare. Une expérience marquante. Un miroir dans lequel on n’est pas toujours prêt à se regarder.

9/10

Résumé

Les + :

  • Concept original

  • Alters profonds

  • Narration immersive

  • Gestion fluide

  • Liberté de choix

  • Interface claire

  • Performances vocales

  • Direction artistique

  • Bande-son atmosphérique

  • Introspection personnelle

Les – :

  • Répétitivité

  • IA capricieuse

  • Pas pour tous les profils

  • Peu d’action

  • Ambiance parfois pesante

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